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Compte-rendu Arqueología mexicana 144

Le dernier numéro de la revue Arqueología mexicana s'inscrit dans une série consacrée aux ressources minérales et leur utilisation artisanale dans le Mexique ancien. Par le passé, nous avons pu lire ainsi des dossiers sur le jade ou l'obsidienne. Ce que les anciens Mayas considéraient comme un "excrément divin" et les Mexicas comme "excroissance divine" relevait d'une moindre importance que les matériaux susmentionnés. 



Si vous pensez encore que les Mystérieuses cités d’or existe après avoir lu ce numéro, il est fort possible que vous ne soyez pas sorti(e)(s) de votre enfance !

L'extraction et la manipulation de l'or est tardive dans le Mexique préhispanique. Les conquérants espagnols, obnubilés par leur soif de ce métal, eurent vite fait de déformer la réalité des groupes autochtones. Au total ce sont treize articles qui composent le dossier central de ce numéro 144. Le premier d'entre eux est une présentation générale des qualités géologiques et de la symbolique de l'or. Il s'agit d'un condensé extrême d'un ouvrage publié par Oscar Moisés Torres Montúfar intitulé “Los señores del oro. Producción, circulación y consumo de oro entre los Mexicas”.

Dans un deuxième temps, le géologue Jaime Torres Trejo rappelle succinctement les propriétés physique de ce métal et s'attarde sur les principaux gisements d'or au Mexique. Il explique enfin sur les deux méthodes d'extraction du métal précieux que sont l'orpaillage et l'extraction minière, la première ayant été la seule utilisée par les peuples préhispaniques, essentiellement pour des raisons technologiques. 

L’historien Timothy King décrit comment l’or pouvait être considéré, un bien commercial, un impôt collecté au nom de la Triple Alliance ou encore un butin de guerre prisé par les mêmes Mexicas. Son propos repose sur une analyse complète du Codex de Florence ou du Codex Mendoza. L’auteur prend également en compte certaines planches de la Historia de las Indias de Nueva España de Diego Durán ou de la Relación de Michoacán pour démontrer que le métal précieux était récupéré sur les guerriers vaincus ou capturés.

Enseignant-chercheur à l’Université Autonome de San Luis Potosí, Niklas Schulze offre un très court apport sur la technique de fonte à la cire perdue, là encore en comparant les données archéologiques et les représentations de cette technique visibles dans le Codex de Florence. 

Toute aussi courte est la participation de l’historienne Edith Ortíz Díaz : la chercheuse de l’UNAM résume pour nous les résultats des études d’un pectoral en or retrouvé dans une tombe zapotèque du Postclassique à San Francisco Caxonos. James Doyle s’inscrit dans la lignée de nombreux archéologues qui ont extrait et/ou étudié les objets qui furent retrouvés au fond du Cenote sacré de Chichen Itza. Le conservateur adjoint du Musée métropolitain d’art de Nuevo York détaille les techniques d’or martelé et de cire perdue qui furent utilisées régulièrement pour travailler des ors originaires d’Amérique centrale.

L’article suivant consiste également en l’étude d’un cas archéologique. Rédigé à six mains, il expose un des rares exemples d’objets en or retrouvés dans une offrande au Grand Temple de Mexico-Tenochtitlan. Leonardo López Luján, Gerardo Pedraza Rubio et Nicolás Fuentes Hoyos reformulent le mythe de la naissance d’Huitzilopochtli avant d'exposer les circonstances de la découverte de l'Offrande 167. Déposée sous la plate-forme de l'édifice dédié à Huitzilopochtli, elle était alignée avec les deux images de Coyolxauhqui. Les archéologues ont dû la dégager d'un amalgame de chaux, sable et graviers. Ils ont pu alors compter quatre paires d’os longs croisés symbole de la mort, deux paires de boucles d'oreilles caractéristiques de la déesse de la lune, quatre clochettes, attributs que la même divinité portait sur les joues et quatre représentations de cœur humain. L’amalgame mentionné ci-dessus fut versé sur une cavité qui contenait différentes couches d’objets et de restes. Jugez par vous-même: sur une fine couche de sable marin avaient été déposés vingt-sept couteaux, dix-sept pointes de projectile et six micromachettes, tous en silex taillé, cinq perles et cent quatre-vingt-douze chute de pierre verte, un petit propulseur en coquillage, un conque et onze pendentifs de coquillages Oliva originaires du Pacifique, huit clochettes en cuivre, huit autres en or, et douze insignes fait du même métal. Le squelette complet d’un serpent à sonnette, des fragments de charbon, de copal et de bois complétaient l’offrande. Pour les trois chercheurs du Projet Templo Mayor, il est très probable que ces objets soient en étroite avec le mythe de Coyolxauhqui et le mythe que le rite permettait de recréer au moyen d’une iconographie propre à cette déesse et au sacrifice humain.

Impossible de parler or sans évoquer les objets de la tombe royale 7 découverte à Monte Alban par Alfonso Caso en 1932. Maarten Jansen ambitionne en sous-titre de donner du sens au contexte archéologique de l’offrande qui y fut découverte. Dans un va et vient permanent entre pièces de l’offrande, planche de différents codex mixtèques et analyse iconographique, le chercheur néerlandais pense avoir identifié l’occupante de la tombe et comment la disposition des pièces permettait un dialogue avec les ancêtres. Il remet notamment en question l'identification de Miquiztli dans le pectoral suivant.

Pectoral de Miquiztli, “dieu de la mort”.
Faux filigrane en or, technique de moulage à la cire perdue,
 Museo de las Culturas de Oaxaca
Crédit photo: Carlos Blanco/Raíces
Retrouvé de https://goo.gl/0ulImw.
Le papier de Leonardo López Luján fait écho à celui de l’Offrande 165. En effet le directeur du Proyecto Templo Mayor remet en perspective la présence d’objets en or récupérés lors des 39 années de fouilles au centre de Mexico. Les conquérants castillans avaient été bercés de l’illusion, depuis leur débarquement sur l’actuelle côte du Veracruz, d’une ville, Tenochtitlan, où l’or était partout présent. Ils ont rapidement déchanté... L’archéologie au Templo Mayor semble conforter ces récits. De fait, à un nivel macro-culturel, l’or est un matériau rare si on le compare à la quantité d’objets en jade, silex, obsidienne, pierre verte, nacre retrouvés en contexte archéologique. Au Templo Mayor sur offrandes dûment enregistrées, seules 14 comptaient des objets en or. Sur les 267 pièces complètes, 121 furent élaborées à partir de feuilles d’or, coupées, perforées, 74 sont le résultat de la technique à la cire perdue. López Luján présente aussi les résultats d’analyses chimiques qui semblent indiquer que les objets en question ont été élaborés localement, probablement à Azcapotzalco.

La culture tarasque ou purepecha fut certainement une des premières à développer la métallurgie et l’orfèvrerie. L’ethnohistorien Hans Roskamp nous propose donc un résumé de la Relación de Michoacan où il est notamment question de l’origine des mots et de leur relation intrinsèque aux dieux d’une part et à la création de l’humanité d’autre part.

Habitué à participer à différents projets archéologiques, José Luis Ruvalcaba Sil est physicien à l’UNAM et est reconnu pour la qualité de ces études archéométriques. Il revient notamment sur l’utilisation in situ de la fluorescence de rayons X pour mesurer la concentration de tel ou tel minerai dans un alliage. Dans le cas qui nous intéresse, Ruvalcaba a ainsi pu déterminer les concentrations de cuivre, d’argent et d’or sur des objets originaires de sites mentionnés dans les articles précédents : Chichen Itza, les Vallées centrales d’Oaxaca et Tenochtitlan.

Analyse par fluorescence de rayons X.
Crédit photo : José Luis Ruvalcaba Sil.
Récupéré de https://goo.gl/UfUUft.

Ethnohistorien et anthropologue des cultures anciennes et modernes d’Oaxaca, Manuel Hermann Lejarazu nous présente un codex de l’époque coloniale conservé dans le village de Tepetlaóztoc. Bon nombre des documents d’alors sont en fait des registres d’impôts où figurent notamment des paiements en maíz, piments, sel, haricots ou textiles. Dans le Codex Mendoza, l’or figurait également les biens à remettre à la Triple Alliance. Mais le Codex de Tepetlaóztoc possède une représentation de Cortés face à 120 petits palets en or, d’une valeur de 3600 pesos et différents qu’il fit collecter jusqu’en 1525 lorsque son commandement en Nouvelle Espagne lui fut retiré. Au delà de l’aspect comptable, Lejarazu s’intéresse à l’iconographie : les objets en or représentés ont à la fois une teneur préhispanique, notamment en relation avec les divinités Mixcoatl et Tezcatlipoca.

Códice de Tepetlaóztoc, 1523
Crédit photo : Raíces , récupéré de https://goo.gl/qbbZRw.

Ce long voyage dorée se conclut avec l’intervention de Guido Munch, ethnohistorien et anthropologue à l’UNAM. Il nous propose une plongée dans l’utilisation et la fabrication d’objets en or à Tehuantepec depuis les premiers temps de la Colonie jusqu’à nos jours. L’auteur met notamment en valeur des témoignages coloniaux sur la récupération d’objets en or par les conquérants et qui terminèrent perdus au fond de l’océan ou fondus pour l’évangélisation de la région. Cependant Munch a pu observer comment l’élaboration des bijoux actuels à Tehuantepec perpétuent un système conceptuel et rituel qui remonte avant le Contact. La place des ornements pour les femmes de Juchitán est à ce titre un exemple crucial pour justifier un ordre social et économique et transmettre des valeurs intangibles ritualisées.

Si la lecture de ce long n’a pas encore provoqué en vous une indigestion de savoirs et de connaissances, vous pouvez poursuivre votre lecture en vous intéressant dans un premier temps aux armes de la ville de México. Xavier Noguez nous en explique l’origine et les significations. 

Dans sa série sur la maison royale de Tenochtitlan, María Castañeda de la Paz revient sur le troisième tlatoani de la ville : Chimalpopoca.  Autre rubrique à ne pas manquer, celle de Manuel Hermann Lejarazu sur deux mythes texocains de la création de l’homme, rapportée par Mendieta y ensuite dans l’Histoyre du Méchique. Il les compare avec deux représentations d’acte sexuels représentés dans le Codex Vaticanus A et le Nutall.

La rubrique d’Eduardo Matos Moctezuma est en fait une réflexion politique sur une série de murs (mythologique, biblique ou historique) qui ont prouvé leur inefficacité.

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