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Le cas curieux d'un autel sacrificiel retrouvé au Templo Mayor

Voici un nouvel exemple, a priori étrange de la conception de la vie et de la mort qu'avaient les anciens peuples mésoaméricains en général et les Mexicas en particulier. Dans le cadre de fouilles effectuées l'année dernière par le PAU (Proyecto de Arqueología Urbana) aux abords du Grand Temple de Mexico-Tenochtitlan, les archéologues Estíbaliz Aguayo y Berenice Jiménez ont découvert entre plusieurs crânes perforés et un autel ou techcatl en langue nahuatl. Nous avons traité dans un précédent billet cette découverte, en insisitant notamment sur l'utilisation de ces crânes sur un tzompantli ou râtelier de crânes.


Pierre sacrificielle ou techcatl, Temple de Huitzilopochtli, 
Phase II, Grand Temple de Tenochtitlan, Mexica, Postclassique.
Photo : B. Lobjois.

Lors d'une conférence présentée le 23 février dernier dans le cadre des activités liées au 35e anniversaire de la découverte du monolithe de Coyolxauhqui par l'équipe d'Eduardo Matos Moctezuma, les deux jeunes femmes sont revenues plus précisément sur le cas du techcatl mentionné plus haut et visible sur cette série de clichés de l'INAH. Dans leur conférence intitulée Contextos rituales frente al Templo Mayor. Ofrendas de consagración y de clausura, elles ont été intriguées par la présence d'un techcatl dans un espace fermé quand, dans les chroniques et codex, celui-ci est normalement utilisé dans un espace ouvert.


Kodeks tudela 21

Sacrifice humain, Codex Tudela, 27, XVIe siècle.

Elles ont donc décidé de comparer ce techcatl avec celui visible dans la phase II de la pyramide, découvert au tournant des années 1980. Si les deux vestiges ont une largeur de 40 cm,  on ne peut en dire autant pour la hauteur. Les deux archéologues se sont d'abord rendu compte que ce dernier mesure 55 cm de haut et avait été solidement incrusté dans le sol. Rien de tel pour le premier : sa base ne rendait que 12 cm de profondeur. Pas très pratique ni stable quand on doit procéder à la mise à mort parfois répétée de plusieurs victimes... Des analyses chimiques sont en cours pour déterminer si ce techcatl a bien servi pour effectuer des sacrifices humains.



Les analyses médico-légales effectuées par María García Velasco sur les cinq crânes retrouvés ont également apporté de nouvelles données intéressantes, en dépit des dommages que certains ont pu subir avec le temps. Trois correspondaient à des jeunes femmes âgées entre 18 et 30 ans et les deux autres à des hommes d'entre 18 et 35 ans. L'anthropologue espagnole a observé des traces de grattage post mortem et de découpe sur l'os pariétal. Cette observation affine notre connaissance des techniques utilisées pour dépecer les victimes sacrificielles et enlever leurs tissus musculaires. Si dans un premier temps, ils ont été exposés sur le tzompantli et devaient avoir gardé certains muscles et ligaments de la mâchoire inférieure, leur couleur laisse penser qu'ils ont exposés dans un deuxième au feu afin de se défaire de ce qui pouvait rester comme tissus et de pouvoir les déposer aux côtés du techcatl.

Il convient de rappeler que ces éléments ont été retrouvés directement à proximité de ce que Raul Barrera Rodríguez estime être le cuauhxicalco de la grande enceinte cérémonielle. Il est dès lors très probable qu'ils aient fait partien d'un rituel d'inauguration de ce cuauhxicalco, céremonie somme toute courante parmi les anciens peuples mésoaméricains qui consídérant leurs constructions comme étant des êtres humains, naissant, vivant et mourrant.

Pour plus de détails sur cette conférence, retrouvez ici le bulletin publié sur le site de l'INAH.

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