Le Teocalli de la Guerre Sacrée est une sculpture unique en son genre. Ne quittant que rarement son enceinte, elle accueille les visiteurs de l'exposition Moctezuma dont l'inauguration a eu lieu en juillet dernier. La commissaire de l'exposition, Bertina Olmedo, a apporté quelques précisions sur le Teocalli dans une dépêche de l'INAH, consultable en cliquant sur le titre de cette note.
Commençons par rappeler les dimensions de cette sculpture : 1,23 m de haut, pour 92 cm de large et 1 m de profondeur. Elle est faite d'un bloc de pierre volcanique sculpté en bas-relief sur chaque face. Pour comprendre les différents éléments iconographiques de référence, nous vous recommandons de télécharger une présentation disponible en format .pptx, .odt ou .pdf sur notre compte Slideshare.
Pour réaliser cette présentation, nous avons repris les observations et certaines interprétations primaires de Maria Teresa Uriarte dans un article qu'elle a rédigé en 2002 et celles réalisées dans une participation de Michel Graulich en 1997. Il convient de mettre en avant aussi certains aspects de son analyse. Commençons par le contexte de la découverte de la sculpture. Elle fut localisée en 1831 si on en croit Pasztory (1983: 167). Mais les fouilles qui ont permis de la dégager puis de l'extraire ne date que de 1926, près de la tour sud du Palais National (Solis, 1992). Graulich se démarque de l'affirmation de Pasztory (et par conséquent d'Uriarte). D'ailleurs, c'est toute son approche de la signification du monument qui remet en cause l'interprétation historiciste et politique proposée par Townsend ou Umberger.
Pour Graulich, il faut établir des oppositions binaires pour obtenir "une explication plus complète et cohérente" du Teocalli de la Guerre Sacrée (1997: 178). Cela passe par une étude iconographique complétée par celle des mythes et textes se référant aux origines de la Guerre Sacrée. Graulich mentionne en particulier Chimalpahin, un chroniqueur de l'époque coloniale: l'existence de "guerres fleuries" remonterait entre les Chalcas et les Tlacochcalcas, puis entre les premiers et les Tépanèques au début dans la première du 14è siècle (1967: 177 y 183). La présence de tzompantli à Chichen Itza et à Tula sur lesquels on exposait les crânes de victimes sacrificielles anticiperait l'existence de ce genre de conflit arrangé.
Comme l'indique très bien Matos Moctezuma dans la vidéo sur l'exposition Moctezuma II proposée par INAHTV, le Teocalli comporte l'une des rares représentations préhispaniques de la fondation de Tenochtitlan. Si on regarde la partie postérieure de la sculpture,on peut voir l'aigle juché sur un nopal qui sort du ventre d'une figure féminine, si on en juge la robe ornée de jades.
Ce qui frappe le spécialiste qui observe attentivement toutes les faces de la sculpture, c'est la répétition du glyphe atl-tlachinolli. Pas moins de neuf occurrences sont en effet observables. Atl et tlachinolli sont de vocables nahuas qui signifient respectivement "eau qui se brûle". Ensemble, ils forment un doublon métaphorique qui signifie sang ou feu mais renvoie aussi à la destruction à la mort donc à la guerre (Alcina Franch, 1995: pp. 7-44).
Si, selon Uriarte, le glyphe 1 Silex serait la date de la victoire des Mexicas, commandés par Itzcoatl, sur les Tépanèques, pour Graulich (1997: 178-9), cette date fait référence à la naissance des 400 Mimixcoa qui furent sacrifiés pour ne pas avoir rempli leur devoir sacré : les nourrir en commençant une guerre sacrée. Graulich rappelle aussi qu'1 Silex correspond à la date de naissance de Huitzilopochtli, le dieu tutélaire des Mexicas. Cette date peut donc être comprise tant sur un plan historique que sur un plan mythique.
Parallèlement, il convient de retenir la représentation de Moctezuma II sur le monument, reconnaissable par le glyphe de coiffe royale, le xihuitzolli, qui le caractérise dans les manuscrits coloniaux ou sur d'autres sculptures. Sur la partie supérieure frontale supérieure, Moctezuma II est représenté à droite du soleil portant la date 4 mouvement, faisant face à Huitzilopochtli dont le pied gauche est remplacé par une tête de xiuhcoatl, le serpent de feu.
Graulich estime aussi que les deux récipients couverts de plumes d'aigle (cuauhxicalli) et d'une peau de jaguar (ocelocuauhxicalli) ont une relation étroite avec les dates 2 Roseau et 1 Lapin placé sur les rampes du Teocalli. En 1 Lapin est créée la Terre, juste avant son écartèlement selon les mythes. En 2 Roseau, Tezcatlipoca crée le feu (Graulich, 1997 : 183). C'est à cette date qu'on procédait au réallumage du Feu Nouveau.
Pour terminer cette note, nous vous proposons la lecture de cette page du quotidien el Universal. Vous y retrouverez quelques détails sur l'exposition combinés avec quelques phrases d'Eduardo Matos Moctezuma. Nous vous laissons d'ailleurs avec ce dernier qui résume en quelques mots les principaux aspects du Teocalli dans cette vidéo disponible sur la chaîne INAHTV.
Références bibliographiques
ALCINA FRANCH, José. 1995. "Lenguaje metafórico e iconografía en el arte mexica". In Anales del IIE, 66, UNAM, Mexico, p. 7-44 (pdf).
CASO, Alfonso. 1927. El Teocalli De La Guerra Sagrada : Descripción Y Estudio Del Monolito Encontrado En Los Cimientos Del Palacio Nacional.
DURAN, Fray Diego. 2002. Historia de las Indias de la Nueva España e Islas de la Tierra Firme. Cien de México, 2 vols., CONACULTA, Mexico. [rééd. 1995]
GRAULICH, Michel. 1994. Montezuma, Fayard, Paris, p.196-198.
GRAULICH, Michel. 1997. « Reflexiones sobre dos obras maestras del arte azteca: la Piedra del Calendario y el Teocalli de la Guerra Sagrada ». In De hombres y dioses, Xavier Noguez y Alfredo López Austin (coordinadores), El Colegio de Michoacán – El Colegio Mexiquense, A.C., Zamora – Zinacantepec.
LÓPEZ LUJÁN, Leonardo et Guilhem OLIVIER. 2008. "La estera y el trono. Los símbolos de poder de Motecuhzoma II". In Arqueología Mexicana, vol. XVII, núm. 98, Editorial Raices-INAH, Mexico, p. 40-46.
PALACIOS, E.J. 1929. La Piedra del Escudo Nacional de México. Publicación de la SEP, 22, 9, Mexico.
TOWNSEND, Richard. 1979. State and Cosmos in the Art of Tenochtitlan. Dumbarton Oaks, Washington.
UMBERGER, Emily. 1984. "El trono de Moctezuma". In Estudios de Cultura Nahuatl, 17, p. 63-87.
URIARTE, Maria Teresa. 2003. "El Teocalli de la Guerra Sagrada. Símbolo del poder méxica". In Arqueología Mexicana, vol. XI, nº62, Editorial Raices-INAH, Mexico, p.76-79.
Commençons par rappeler les dimensions de cette sculpture : 1,23 m de haut, pour 92 cm de large et 1 m de profondeur. Elle est faite d'un bloc de pierre volcanique sculpté en bas-relief sur chaque face. Pour comprendre les différents éléments iconographiques de référence, nous vous recommandons de télécharger une présentation disponible en format .pptx, .odt ou .pdf sur notre compte Slideshare.
Pour réaliser cette présentation, nous avons repris les observations et certaines interprétations primaires de Maria Teresa Uriarte dans un article qu'elle a rédigé en 2002 et celles réalisées dans une participation de Michel Graulich en 1997. Il convient de mettre en avant aussi certains aspects de son analyse. Commençons par le contexte de la découverte de la sculpture. Elle fut localisée en 1831 si on en croit Pasztory (1983: 167). Mais les fouilles qui ont permis de la dégager puis de l'extraire ne date que de 1926, près de la tour sud du Palais National (Solis, 1992). Graulich se démarque de l'affirmation de Pasztory (et par conséquent d'Uriarte). D'ailleurs, c'est toute son approche de la signification du monument qui remet en cause l'interprétation historiciste et politique proposée par Townsend ou Umberger.
Pour Graulich, il faut établir des oppositions binaires pour obtenir "une explication plus complète et cohérente" du Teocalli de la Guerre Sacrée (1997: 178). Cela passe par une étude iconographique complétée par celle des mythes et textes se référant aux origines de la Guerre Sacrée. Graulich mentionne en particulier Chimalpahin, un chroniqueur de l'époque coloniale: l'existence de "guerres fleuries" remonterait entre les Chalcas et les Tlacochcalcas, puis entre les premiers et les Tépanèques au début dans la première du 14è siècle (1967: 177 y 183). La présence de tzompantli à Chichen Itza et à Tula sur lesquels on exposait les crânes de victimes sacrificielles anticiperait l'existence de ce genre de conflit arrangé.
Comme l'indique très bien Matos Moctezuma dans la vidéo sur l'exposition Moctezuma II proposée par INAHTV, le Teocalli comporte l'une des rares représentations préhispaniques de la fondation de Tenochtitlan. Si on regarde la partie postérieure de la sculpture,on peut voir l'aigle juché sur un nopal qui sort du ventre d'une figure féminine, si on en juge la robe ornée de jades.
Ce qui frappe le spécialiste qui observe attentivement toutes les faces de la sculpture, c'est la répétition du glyphe atl-tlachinolli. Pas moins de neuf occurrences sont en effet observables. Atl et tlachinolli sont de vocables nahuas qui signifient respectivement "eau qui se brûle". Ensemble, ils forment un doublon métaphorique qui signifie sang ou feu mais renvoie aussi à la destruction à la mort donc à la guerre (Alcina Franch, 1995: pp. 7-44).
Si, selon Uriarte, le glyphe 1 Silex serait la date de la victoire des Mexicas, commandés par Itzcoatl, sur les Tépanèques, pour Graulich (1997: 178-9), cette date fait référence à la naissance des 400 Mimixcoa qui furent sacrifiés pour ne pas avoir rempli leur devoir sacré : les nourrir en commençant une guerre sacrée. Graulich rappelle aussi qu'1 Silex correspond à la date de naissance de Huitzilopochtli, le dieu tutélaire des Mexicas. Cette date peut donc être comprise tant sur un plan historique que sur un plan mythique.
Parallèlement, il convient de retenir la représentation de Moctezuma II sur le monument, reconnaissable par le glyphe de coiffe royale, le xihuitzolli, qui le caractérise dans les manuscrits coloniaux ou sur d'autres sculptures. Sur la partie supérieure frontale supérieure, Moctezuma II est représenté à droite du soleil portant la date 4 mouvement, faisant face à Huitzilopochtli dont le pied gauche est remplacé par une tête de xiuhcoatl, le serpent de feu.
Couronnement de Moctezuma,
Duran, 2002, pl. 37
Disponible le 22 juin 2010 sur
Graulich estime aussi que les deux récipients couverts de plumes d'aigle (cuauhxicalli) et d'une peau de jaguar (ocelocuauhxicalli) ont une relation étroite avec les dates 2 Roseau et 1 Lapin placé sur les rampes du Teocalli. En 1 Lapin est créée la Terre, juste avant son écartèlement selon les mythes. En 2 Roseau, Tezcatlipoca crée le feu (Graulich, 1997 : 183). C'est à cette date qu'on procédait au réallumage du Feu Nouveau.
Pour terminer cette note, nous vous proposons la lecture de cette page du quotidien el Universal. Vous y retrouverez quelques détails sur l'exposition combinés avec quelques phrases d'Eduardo Matos Moctezuma. Nous vous laissons d'ailleurs avec ce dernier qui résume en quelques mots les principaux aspects du Teocalli dans cette vidéo disponible sur la chaîne INAHTV.
Références bibliographiques
ALCINA FRANCH, José. 1995. "Lenguaje metafórico e iconografía en el arte mexica". In Anales del IIE, 66, UNAM, Mexico, p. 7-44 (pdf).
CASO, Alfonso. 1927. El Teocalli De La Guerra Sagrada : Descripción Y Estudio Del Monolito Encontrado En Los Cimientos Del Palacio Nacional.
DURAN, Fray Diego. 2002. Historia de las Indias de la Nueva España e Islas de la Tierra Firme. Cien de México, 2 vols., CONACULTA, Mexico. [rééd. 1995]
GRAULICH, Michel. 1994. Montezuma, Fayard, Paris, p.196-198.
GRAULICH, Michel. 1997. « Reflexiones sobre dos obras maestras del arte azteca: la Piedra del Calendario y el Teocalli de la Guerra Sagrada ». In De hombres y dioses, Xavier Noguez y Alfredo López Austin (coordinadores), El Colegio de Michoacán – El Colegio Mexiquense, A.C., Zamora – Zinacantepec.
LÓPEZ LUJÁN, Leonardo et Guilhem OLIVIER. 2008. "La estera y el trono. Los símbolos de poder de Motecuhzoma II". In Arqueología Mexicana, vol. XVII, núm. 98, Editorial Raices-INAH, Mexico, p. 40-46.
PALACIOS, E.J. 1929. La Piedra del Escudo Nacional de México. Publicación de la SEP, 22, 9, Mexico.
TOWNSEND, Richard. 1979. State and Cosmos in the Art of Tenochtitlan. Dumbarton Oaks, Washington.
UMBERGER, Emily. 1984. "El trono de Moctezuma". In Estudios de Cultura Nahuatl, 17, p. 63-87.
URIARTE, Maria Teresa. 2003. "El Teocalli de la Guerra Sagrada. Símbolo del poder méxica". In Arqueología Mexicana, vol. XI, nº62, Editorial Raices-INAH, Mexico, p.76-79.
Commentaires