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L’Evangile selon Pilate, d'Eric-Emmanuel Schmitt

Une autre chronique littéraire sur un bouquin fascinant, par un auteur qui traduit merveilleusement l'humanité dont nous sommes tous constitués. Publié en avril 2005.

A l’heure où le monde entier se passionne pour Dan Brown et son Da Vinci Code, il me paraissait intéressant d’évoquer une autre enquête policière, sérieusement documentée et livrant une vision des origines du christianisme. Pas besoin d’être spécialement croyant pour lire mon coup de cœur littéraire du mois.

L’Evangile selon Pilate dérange à plus d’un titre. Les évangiles sont les récits de la vie et de la passion ultime de Jésus. La tradition chrétienne en admet quatre : ceux des apôtres Luc, Matthieu, Marc, Jean. Ils sont sensés dispenser la Bonne Nouvelle, l'arrivée du Royaume de Jésus, le royaume du cœur. Pourquoi alors en attribuer un à celui qui l’a condamné sous la pression des rabbins de Jérusalem ?

Le roman d’Eric-Emmanuel Schmitt prend le contrepied des textes officiels. Le langage est simple, courant parfois familier. Son écriture fluide nous permet d’avancer rapidement dans le récit. Il nous livre dans un premier temps une longue introspection de Jésus alors qu’il attend patiemment la garde romaine venue l’arrêter après la trahison de Judas. Cette trahison elle-même est en contresens complet avec l’image que l’on se fait de Judas. A vous de découvrir comment...

On y décèle un Jésus qui doute perpétuellement de sa messianité, de son ascendance divine, des miracles qu’il accomplit. Bref un homme on ne peut plus simple et manquant de confiance en soi. Là encore, Schmitt s’amuse à casser les conventions et les images d’Epinal.

Pilate, préfet romain de Judée, prend alors la suite du récit. Il évoque, dans une correspondance épistolaire avec son frère, la mystérieuse disparition du corps du Christ et la longue enquête qui l’oblige à agir rapidement pour éviter une crise politique et religieuse. Comme Jésus, il cherche à expliquer ce qui doit demeurer irrationnel. Mais plus que le fonctionnaire romain, c’est l’homme qu’on voit, le mari aimant, le futur père…

Voici un petit extrait situé juste avant l’arrestation de Jésus :
« Allons, je tiendrai bon, je tiendrai ferme. Aucun cri ne m’échappera. Que suis-je donc lent à croire ! Comme la nature est forte contre la grâce ! Allons, remettons-nous. Ce que je crains n’est rien en regard de ce que j’espère.
Mais voici la cohorte qui apparaît à travers les arbres. Yehoûdah porte une lanterne et mène les soldats. Il s’approche. Il me désigne.
J’ai peur.
Je doute.
Je voudrais me sauver.
Mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Le livre de Schmitt peut paraître iconoclaste : il n’en est rien. Il ne fait que présenter sous un jour humain deux personnages qui se sont rencontrés fortuitement pour que leur destin respectif puisse s’accomplir. Schmitt est un touche à tout, il a écrit de nombreuses pièces de théâtre. Certains de ses romans ont été portés au grand écran. Dans la lignée de l’Evangile selon Pilate, il convient de lire La part de l’autre qui évoque le destin de Hitler s’il avait été admis à l’école des Beaux-Arts de Vienne… Schmitt n’est pas sulfureux, il est juste humain, trop humain…

http://www.eric-emmanuel-schmitt.com

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